Vacciner massivement et enquêter pour enrayer le choléra en RDC

Lundi 11 juillet 2022
Choléra
Introduction
Il y a un an, Epicentre, avec les équipes de MSF en RDC, a lancé une vaste étude pour mieux comprendre l’impact des campagnes préventives de vaccination orale dans les zones à haut risque et la propagation du choléra après celles-ci. Dans le cadre de cette étude financée par le Wellcome Trust, UK AID et le Foreign and Commonwealth and Development Office, la phase de suivi à domicile des patients testés positifs, mais aussi des autres membres du foyer, vient de débuter pour étudier où se cache la bactérie Vibrio cholerae dans l’environnement de la maison.
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RDC Choléra
Corps éditorial

Malgré une tendance à la baisse du nombre de cas de choléra en RDC, le pays demeure au 3e rang mondial en termes d’incidence et à la deuxième position en Afrique. En 2021, plus de 12 000 cas ont été notifié et 209 décès. Pour tenter de freiner la maladie, un plan triennal de vaccination 2018-2020 a été élaboré et mise en œuvre dans le pays. Il cible les 5 provinces régulièrement en proie à des épidémies de choléra à savoir le Nord-Kivu, le Sud-Kivu, le Tanganyika, le Haut-Lomami et Haut-Katanga. « Afin d’évaluer l’impact de ces campagnes de vaccination, nous avons donc mis en œuvre avec les équipes de MSF et le Programme National d’Elimination de Choléra et de lutte contre les autres Maladies Diarrhéiques, depuis un an une étude financée par Wellcome Trust, une fondation caritative, UK AID et le Foreign and Commonwealth and Development Office sur deux sites, un site urbain dans le nord Kivu et un site rural dans le Haut-Lomami », détaille Anaïs Broban, responsable de l’étude à Epicentre. L’étude se compose de 3 volets :

  • la surveillance clinique pour mesurer l'incidence du choléra dans des régions à risque ciblées par la vaccination,
  • des enquêtes sérologiques pour mesurer la prévalence au cours des 12 derniers mois,
  • et l’identification et le suivi des individus diagnostiqué positif parmi les participants à la surveillance clinique ou à l'enquête sérologique, ainsi que des membres de leur ménage.
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A la recherche du Vibrio Cholerae au sein des ménages

Famille RDC Cholera« Fin mai, nous avons débuté ce dernier volet de l’étude, explique Emily Briskin, épidémiologiste à Epicentre. Il consiste à étudier au sein des ménages où se cache la bactérie à l’origine du choléra. Il devrait nous permettre de mieux comprendre la maladie et d’améliorer la prévention. »

Dès qu’un cas est notifié, des enquêteurs sont envoyés dans le ménage concerné. Après avoir recueilli l’accord du ménage, ils interrogent les membres sur leur exposition au choléra et leurs facteurs de risque. Ils procèdent également à des prélèvements de selles des différents membres du ménage, ainsi que des échantillons environnementaux au niveau de la vaisselle, de l’eau, des latrines. Il s’agit de trouver si des traces de Vibrio Cholerae à l’origine de la maladie sont présentes et s’il y a des porteurs sains au sein du ménage. La maladie se transmet par l’absorption d’eau ou d’aliments contaminés par les selles des personnes infectées, mais à ce jour les raisons de la persistance du vibrio demeurent mal connues. « On ne sait pas pourquoi de nouveaux cas surviennent et s’ils ont été contaminés par des porteurs sains ou par l’environnement, » ajoute Rachel Mahamba, coordinatrice pour la recherche opérationnelle sur cette étude.

D’autres prélèvements seront ensuite effectués à intervalle régulier, le 4e jour, la 1ère semaine, au bout de 2 semaines, 1 mois, 3 mois et 6 mois. « En tout, ce sont 2 enquêteurs et 6 relais communautaires qui ont été formés et vont intervenir pendant les 12 prochains mois pour récolter les prélèvements, précise Rachel Mahamba. Ils sont généralement assez bien accueillis au sein des familles et des ménages. » car comme l’explique Madame Nyirasabimana à l’enquêtrice : « nous avons bien voulu participer parce qu’il nous apparait qu’à travers les résultats de votre étude, vous pourrez aider à apporter le traitement adéquat contre le choléra à notre communauté. Vu la situation qui prévaut, surtout que nous buvons l’eau du lac vert et qui ne même pas traitée, et c’est pour cela que la maladie du choléra persiste depuis que c’est arrivé dans mon ménage en atteignant un enfant et c’est ainsi que nous voulions que vous nous aidiez avec la prévention pour que les autres membres du ménage, ainsi que les voisins ne soient aussi atteints. C’est ainsi que j’ai compris, à travers ce que vous m’avez dit sur les raisons d’être de votre étude, qu’il est possible qu’en répondant aux questions qui me sont posées, que mes réponses aident à ce qu’un autre de mes enfants/ou moi-même, ainsi que les voisins, ne soient atteint par cette maladie qui persiste dans notre entité. »

3 juin 2022 : une restitution des premiers résultats

En attendant les résultats complets de cette étude, le 3 juin dernier s’est tenu à Goma un atelier de restitution à l’issue de la première année de sa mise en œuvre, au cours duquel de premiers résultats encourageants ont été présentés. En ce qui concerne le site de Goma, plus de 1000 cas suspects ont déjà été inclus dans les activités de surveillance ;30% de ces cas ont été confirmées comme infectées par le choléra par culture et 10% étaient vaccinés avec au moins une dose. Une première enquête de séroprévalence s’est terminée dans la population générale de la ville mi-février, au cours de laquelle 557 échantillons de sang ont pu être collectés, et la couverture vaccinale (1 ou 2 doses) investiguée lors de cette enquête était d’un peu plus de 40 %.

Quant au site rural de Bukama depuis octobre 2021, plus de 400 cas suspects de choléra ont été inclus au cours de la saison des pluies 2021-2022, avec un taux de positivité en culture d’environ 50%, ce qui signifie que 50 % des cas ont bien été confirmés comme infectés par le choléra. La première enquête de séroprévalence a eu lieu au mois d’octobre 2021, avant la mise en place des campagnes de vaccination dans la zone, avec 555 échantillons de sérum prélevés. Cette enquête sera répétée en septembre prochain afin d’évaluer l’impact des campagnes.  

L’étude se poursuivra au cours de la prochaine année et des projets complémentaires notamment sur la couverture vaccinale actuelle et les raisons de non-vaccination sont également prises en compte pour mieux comprendre ces premiers résultats.

Cette étude devrait apporter des informations importantes sur le choléra en RDC, pays en proie à des épidémies fréquentes depuis la première détection du Vibrio Cholerae en 1974, et dont certaines zones voient resurgir régulièrement la maladie et sont donc considérées comme endémiques.

 

Crédit Photo : DR/Epicentre

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