Diagnostic de routine de la rougeole en RDC : Quelles performance et faisabilité des échantillons de sang séché ?

Lundi 18 septembre 2023
Rougeole
Introduction
Le diagnostic de la rougeole à partir d’échantillons de sang séché peut-il permettre d’améliorer la surveillance en routine de cette maladie infectieuse en République démocratique du Congo (RDC) ? Dans le cadre du projet Urgepi au Sud de la RDC qui étudie comment améliorer la prévention et la réponse aux épidémies de rougeole, Epicentre va évaluer le potentiel de cette alternative par rapport à l’envoi de sérum en laboratoire pour confirmation des cas, qui pose de nombreux défis logistiques.
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Lubumbashi Lab
Corps éditorial

La RDC fait face à des épidémies de rougeole récurrentes, en raison de la faible couverture vaccinale contre cette maladie hautement infectieuse. Entre 2018 et 2020, le pays a été confronté à sa plus grande épidémie de rougeole à ce jour : 26 provinces touchées, plus de 458 000 cas déclarés et 7900 décès (1) une hausse du nombre de cas est de nouveau observée dans plusieurs régions du pays depuis le milieu de 2021 (2).

Urgepi : un vaste projet pour enrayer les épidémies de rougeole

Dans les provinces du Haut-Lomami, Haut-Katanga, Tanganyika et Lualaba (ex Katanga), tout au sud de la RDC, Médecins sans frontières (MSF) a mis en place depuis 2018 le projet Urgepi pour mieux répondre aux épidémies de rougeole successives. La surveillance globale se fait grâce à un système d’alerte prenant en compte le risque épidémique. Ce dernier varie géographiquement en fonction de la couverture vaccinale et des précédentes épidémies.

Si le seuil de cas suspects de rougeole est dépassé sur une zone de santé, une investigation est mise en place.

« Le seuil optimal a été calculé sur la base d'observations de données antérieures, précise Birgit Nikolay, chargée des activités épidémiologiques d’Urrgepi. Ce seuil est plus sensible dans les zones à haut risque. » 

Si le nombre d’alertes dépasse la capacité d'intervention, la priorisation des zones se fait en fonction du risque et du stade de l’épidémie, ainsi que du nombre de cas dans les trois dernières semaines.

Le projet Urgepi se compose de plusieurs autres volets qui permettent d’améliorer la réactivité et la réponse :

  • La surveillance des 4 provinces, avec une prise en compte des zones sanitaires à haut risque via une détection des alertes plus précoces et une collecte de données plus détaillées ;
  • La mise en œuvre d’une riposte en cas d’alerte avec une formation régulière du personnel de santé dans les centres, et des équipes d’intervention rapide en cas de confirmation d’une épidémie ;
  • La prévention avec des campagnes de vaccination de rattrapage dans les zones à haut risque ;
  • L’ouverture d’un laboratoire à Lubumbashi pour réduire le délai de confirmation du diagnostic.

Des lacunes demeurent

Désormais deux laboratoires – celui de Kinshasa et le nouveau à Lubumbashi - ont la capacité de réaliser les tests Elisa pour détecter des IgM anti-rougeole. Or pour mettre en œuvre une campagne de vaccination réactive en RDC, indispensable pour contrôler une épidémie, il faut la confirmation de deux ou trois cas (selon les zones de santé) par Elisa à partir d’échantillon de sérum. Certes la situation s’est légèrement améliorée avec l’ouverture du 2e laboratoire à Lubumbashi, mais de nombreux défis logistiques demeurent pour assurer le transport rapide et efficace des échantillons dans ce pays, 11e au monde en termes de superficie. Outre les distances, le transport du sérum nécessite une chaîne de froid, très souvent défaillante, et certains transporteurs refusent de prendre en charge ce type d’échantillons.

« En conséquence, les échantillons de sérum ne sont pas expédiés ou alors avec des retards pouvant aller jusqu’à plusieurs semaines, ce qui dégrade leur qualité et rend les résultats peu fiables, explique Birgit Nikolay. Or, l'absence de confirmation en temps utile d'une épidémie par un laboratoire peut retarder considérablement la réponse aux épidémies. Une alternative consisterait à utiliser des échantillons de sang séché (Dried Blood Spots, DBS) pour la confirmation et c’est ce que nous voulons tester dans le cadre du projet Urgepi. »

Bien que les échantillons de sérum soient considérés comme la référence pour la détection des IgM anti-rougeole par Elisa, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande l'utilisation de DBS en alternative lorsque le transport des échantillons est impossible (3, 4).

« Les anticorps se sont avérés suffisamment stables sur les échantillons de sang séché maintenu à une température inférieure à 37°C pour la confirmation des cas dans les régions où la réfrigération des échantillons n'est pas possible, précise Birgit Nikolay. Et des études ont montré que la sensibilité et la spécificité du test Elisa basé sur les échantillons de sang séché sont similaires à celles du test ELISA basé sur le sérum (3, 4). »

Toutefois leur performance pour la surveillance de routine, leur acceptabilité par le personnel de santé et les transporteurs locaux n'ont pas encore été démontrés en RDC. L’étude lancée par Epicentre va explorer ces aspects.

Des échantillons de sang veineux et de sang séché seront obtenus pour chaque patient présentant une suspicion clinique de rougeole, conformément aux directives nationales de surveillance. Les échantillons seront ensuite envoyés au Laboratoire de Lubumbashi pour la détection des IgM anti-rougeole par Elisa. La sensibilité et la spécificité du test Elisa basé sur des échantillons de sang séché seront évaluées par rapport au test Elisa basé sur des échantillons de sérum comme norme de référence.

L’étude évaluera aussi si le personnel de santé et les transporteurs locaux jugent acceptables de remplacer les échantillons de sérum par des échantillons DBS à l'avenir.

Si les résultats de l’étude s’avèrent positifs, l’utilisation du sang séché au lieu du sérum pourrait permettre de réduire le délai de confirmation des cas et donc faciliter l’intervention avant que l’épidémie ne progresse de manière substantielle.

 

Crédit Photo Moses Sawasawa

 

  1. Nikolay, Birgit, Simons, Erica, Gignoux, Etienne. Description d’une épidémie nationale de rougeole, RDC, 2018-2020. Medecins sans Frontieres, Epicentre, 2020.
  2. Ministry of Health DRC. National surveillance data DRC (IDS). .
  3. Manual for the Laboratory-based Surveillance of Measles, Rubella, and Congenital Rubella Syndrome. https://www.who.int/publications/m/item/chapter-1-manual-for-the-laboratory-based-surveillance-of-measles-rubella-and-congenital-rubella-syndrome (accessed Feb 6, 2023).
  4. Centers for Disease Control and Prevention (CDC). Recommendations from an ad hoc Meeting of the WHO Measles and Rubella Laboratory Network (LabNet) on use of alternative diagnostic samples for measles and rubella surveillance. MMWR Morb Mortal Wkly Rep 2008; 57: 657–60.

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